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Thématique du colloqueCe colloque a pour objectif de mettre en dialogue des approches linguistiques ou psycho-/sociolinguistiques qui abordent la langue et le discours oral spontané, monologal ou en interaction, à travers la question de la constitution et l’analyse de corpus oraux, qui pose des problèmes spécifiques et différents de ceux rencontrés pour les corpus de langue écrite. En effet, alors qu’il existe de nombreux corpus de langue écrite, s’appuyant parfois sur les quantités considérables de données rendues disponibles par internet, les ressources pour l’oral restent encore modestes, particulièrement pour l’oral spontané dans les interactions quotidiennes, qu’elles soient spécialisées (interactions médecin-patient, interactions en classe, interactions dans les institutions et les commerces) ou non : conversations en famille ou entre amis, sans enjeux particuliers (small talk, débats de la vie quotidienne, disputes, échange de nouvelles et d’expériences), ou avec des enjeux privés (inviter quelqu’un, se mettre d’accord sur quelque chose). Nous disposons évidemment d’un certain nombre de ressources de langage oral à travers les émissions de radio et la télévision (entretiens, interviews, débats), les ressources d’internet (sites d’hébergement de vidéos, réseaux sociaux), ou à travers la production cinématographique (films ou séries), avec, pour cette dernière, la question de la correspondance entre les interactions fictionnelles écrites et scénarisées et les interactions réelles. Un certain nombre de ces matériaux peuvent être aujourd’hui mis à disposition et exploités rapidement, même si cela est limité par des questions de droit. Mais il s’agit d’interactions d’un type assez différent, dans lequel on peut avoir une certaine asymétrie entre le rôle du journaliste/présentateur/modérateur, dont la parole, généralement guidée par des prompteurs, est souvent limitée à des questions ou des commentaires, et qui sert de prétexte à la prise de parole d’invités, dont la parole est privilégiée. Tous ces matériaux, si utiles soient-ils, laissent de côté tous ces aspects de la prise de parole spontanée quotidienne que nous avons évoqués. La faible représentation de ces interactions du quotidien dans les corpus, en dépit du fait qu’elles représentent, pour la plupart d’entre nous, la part essentielle de notre utilisation du langage au cours d’une journée, n’est pas dû seulement au biais linguistique en faveur de l’écrit, dénoncé par certains linguistes (Linell 2005) et qui relève d’une certaine idéologie (poids de la grammaire normative, prestige de la tradition écrite dans les langues dominantes, etc.). Le problème est aussi pratique : l’obtention de données est difficile, car ces interactions du quotidien se laissent difficilement saisir. Par ailleurs, plus que dans les interactions médiatiques, se pose la question de l’enregistrement des données, de la transcription, pour laquelle il existe plusieurs normes concurrentes, des données pertinentes à prendre en compte (métadonnées des interactions, informations verbales, prosodiques, multimodales) et on se rend compte que ces questions sont déjà chargées d’enjeux théoriques. Cette difficulté rend difficile l’automatisation de la transcription de corpus et, contribue aussi à la lenteur dans la constitution de corpus oraux de grande taille. Par ailleurs, une autre question, loin d’être résolue et lié à la précédente, est celle de la segmentation du discours en unités. Si le corpus écrit présente généralement déjà une segmentation préalable, celle donnée par la ponctuation, qui permet d’identifier des segments, tels que les a choisis le scripteur (même s’il faut aussi se poser la question de la nature réelle de ces unités), toute personne ayant travaillé sur l’oral sait très bien que celui-ci ne se prête pas à un découpage aussi discipliné et que la ponctuation n’est pas un bon modèle pour rendre compte de sa segmentation. Cela a même conduit certains auteurs à parler d’une macro-syntaxe (Groupe de Fribourg 2012) ou d’une syntaxe thétique (Kaltenböck, Heine, et Kuteva 2011), distincte dans la syntaxe de la proposition/clause, organisée autour des relations prédicats arguments. Si la segmentation du discours doit s’appuyer sur des marques formelles (intonation, pauses et variations de rythme, marqueurs discursifs, constructions syntaxiques spécialisées), elle suppose aussi que l’on identifie le rôle sémantique, pragmatique et discursif de chacune des unités, aussi bien à l’intérieur des parties monologiques, appelées « tours de paroles » dans la tradition de l’Analyse Conversationnelle, ou « interventions » (Sinclair et Coulthard 1975; Roulet et al. 2001) que dans l’enchaînement dialogal ou polylogal de ces parties monologiques, sans méconnaître le fait que les chevauchements et interruptions ne rendent pas ces enchaînements totalement étanches. Ces dernières années, de nombreux travaux ont tenté d’énumérer et de décrire ces unités de segmentation (Cortés Rodríguez et Camacho Adarve 2005; Fuentes Rodríguez 2007; Dehé 2014; Heine 2023), sans que l’on ait encore atteint un certain degré d’accord sur le nombre d’unités pertinentes et leur rôle. De façon assez similaire, certains modèles du discours (Pop 2000; 2005; Roulet et al. 2001) voient celui-ci comme une espèce de mille-feuilles, dans lequel sont exprimés des informations très diverses (jugements épistémiques ou évidentiels, commentaires métalinguistiques ou métadiscursifs, réactions émotionnelles, marques phatiques, organisation du discours ou de l’interaction, polyphonie…), en montrant que l’hétérogénéité l’emporte sur la capacité à distinguer des unités formant un tout homogène et s’enchainant de façon disciplinée, telles que la phrase. Malgré leur grand intérêt, théorique autant que pratique, nous laisserons de côté la question de la constitution du corpus (choix des participants, questions éthiques et légales, sélection des métadonnées nécessaires et suffisantes). Questions abordées dans le colloque :
Bibliographie
Cortés Rodríguez, Luis, et María Matilde Camacho Adarve. 2005. Unidades de segmentación y marcadores del discurso: elementos esenciales en el procesamiento discursivo oral. Madrid, Espagne: Arco Libros.
Dehé, Nicole. 2014. Parentheticals in spoken English: the syntax-prosody relation. Cambridge, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord: Cambridge University Press.
Fuentes Rodríguez, Catalina. 2007. Sintaxis del enunciado: los complementos periféricos. Madrid, Espagne: Arco.
Groupe de Fribourg. 2012. Grammaire de la période. Bern, Suisse, Allemagne, Belgique: Peter Lang.
Heine, Bernd. 2023. The grammar of interactives. New York: Oxford University Press.
Kaltenböck, Gunther, Bernd Heine, et Tania Kuteva. 2011. « On Thetical Grammar ». Studies in Language 35 (4): 852‑97. https://doi.org/10.1075/sl.35.4.03kal.
Linell, Per. 2005. The written language bias in linguistics: its nature, origins and transformations. London, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, Etats-Unis d’Amérique.
Pop, Liana. 2000. Espaces discursifs: pour une représentation des hétérogénéités discursives. Louvain, Belgique, France.
———. 2005. La grammaire graduelle, à une virgule près. Bern, Suisse, Pays multiples.
Roulet, Eddy, Laurent Filliettaz, Anne Grobet, et Marcel Burger. 2001. Un modèle et un instrument d’analyse de l’organisation du discours. Bern, Suisse.
Sinclair, John M., et Malcolm Coulthard. 1975. Towards an analysis of discourse: the English used by teachers and pupils. London, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord: Oxford University Press.
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